On nous avait vendu une révolution.
Des machines pour penser à notre place, des algorithmes pour optimiser nos vies, des assistants pour organiser nos week-ends, nos rencontres, nos pensées. L’humanité, disait-on, allait franchir une étape. Une élévation.
Résultat ? Nous sommes à deux clics de nous gratter le ventre en mangeant avec les mains devant une vidéo générée par IA qui nous suggère gentiment de cliquer pour « un autre shoot de dopamine ».
Bienvenue dans l’ère de l’intelligence artificielle : le temps de la couette. Avec la 5G.
De l’Homo sapiens à l’Homo scrollus
Rappelons-le avec un brin de nostalgie : avant, on pensait. On doutait, on méditait. Bref, on se fatiguait.
Puis on a demandé à ChatGPT.
On a remplacé “je pense donc je suis” par :
“Je scrolle donc je suis, peut-être, probablement, enfin je crois, surement quelque part entre deux posts d’influenceuses pour des chaussettes de yoga.”
À quoi bon réfléchir quand ChatGPT le fait si bien ? L’IA ne nous vole pas notre cerveau.
Elle nous libère… de toute obligation.
Le confort algorithmique : notre nouveau canapé avec couette chauffante
Les animaux veulent dormir, manger, se reproduire. L’humain aussi, mais avec une interface utilisateur agréable.
On laisse une machine nous dire :
- quoi voir,
- quoi manger,
- avec qui matcher,
- et même comment respirer.
Le libre arbitre est devenu optionnel. Comme les cookies : on les accepte tous sans lire.
L’IA ne nous juge pas, enfin si, mais mollement, comme nous.
L’asservissement cognitive avec abonnement premium
Ironie suprême : nous appelons cela « progrès ».
Mais avec fonctionnallités premium pour 13,99€ par mois.
Nous voulions créer, lentement peut-être. Maintenant nous promptons.
Pendant que l’IA fait le travail à notre place, nous descendons les marches de l’évolution.
Nous voulons des résumés au lieu de lire, des prompts au lieu d’écrire, des recos au lieu de choisir.
Mais c’est peut-être encore trop fatiguant pour nous. Demandons à l’IA de prompter à notre place.
Nous préférons retourner dans notre caverne, mais avec Netflix sans pub et un assistant vocal qui nous dit d’aller dormir à 23h parce que « c’est bon pour nous ».
La boucle est bouclée
On voulait devenir dieux.
On est devenus… fatigués.
Nous nous sommes redécouverts comme des animaux, comme les autres, mais avec une connexion Wi-Fi et un abonnement premium.
Ce n’est pas l’IA qui nous déshumanise.
C’est nous qui renonçons à ce qui nous rendait humains : le doute, l’effort, la lenteur, la liberté.
Et peut-être que dans 10 000 ans, une IA archéologue retrouvera nos tweets, nos Reels et nos prompts, et conclura :
« Ils étaient brillants. Lents peut-être, mais ils ont préféré rester tranquilles. »